Vous faites bâtir et vous subissez un abandon du chantier ?
Vous disposez de recours mais il faudra agir avec prudence, en respectant certaines règles précises.
Tout d’abord, il convient de préciser que l’abandon du chantier se distingue d’un simple arrêt temporaire de chantier. L’abandon se caractérise de manière cumulative par une interruption injustifiée et une durée anormalement longue des travaux.
Il s’agit ainsi d’une inexécution du contrat de louage d’ouvrage (manquement aux obligations contractuelles) dès lors que l’entreprise interrompt les travaux de construction avant achèvement, alors même qu’elle a été régulièrement payée par son client et si aucune circonstance de force majeure ne peut justifier sa décision. (Civ. 3e, 14 déc. 1977)
Il existe d’abord des solutions de droit commun. En premier lieu, vous pouvez demander la résiliation du contrat pour inexécution des obligations par l’une des parties (Article 1184 du Code civil). En second lieu, l’inexécution du contrat vous permet de ne pas payer pour les travaux non effectués.
En troisième lieu, vous disposez d’un droit de solliciter la condamnation de l’entreprise à achever les travaux. En quatrième lieu, conformément à l’article 1144 du Code civil, vous disposez d’un droit d’obtenir l’autorisation du juge de faire réaliser la construction par une entreprise tierce aux frais du débiteur. Enfin, une demande d’indemnisation des préjudices subis est possible (Article 1231-1 du Code civil), notamment le coût de votre logement durant la période à laquelle les travaux auraient dû être terminés. (Civ. 3e, 18 juin 1980)
En outre, des remèdes spécifiques au droit de la construction existent également. En ce sens, l’article 1792-6 du Code civil impose une garantie de parfait achèvement à la charge de l’entreprise.
Ainsi, afin d’obtenir réparation vous devez procéder en respectant la procédure suivante :
Etape 1 : Adressez une mise en demeure à l’entreprise de reprendre les travaux.
Il faut alors l’adresser par courrier recommandé avec accusé de réception, en précisant la date de d’achèvement contractuellement définie, et en l’absence de date précise, le délai raisonnable d’achèvement.
Précisez en outre que, à défaut d’exécution sous quinze jours, un constat de Commissaire de justice d’abandon de chantier sera établi.
Etape 2 : Constat de Commissaire de justice d’abandon de chantier
Le Commissaire de justice (anciennement « Huissier de justice ») aura le devoir de dresser un procès-verbal, dans le respect du contradictoire, constatant l’abandon de chantier (si c’est avéré). Cet élément est un élément primordial avant tout recours judiciaire et fondera votre demande.
Etape 3 : Différents types de recours judiciaires possibles selon votre demande :
Si l’abandon de chantier est prouvé, et que votre qualité de maître d’ouvrage est établie, alors vous disposez de deux types de recours contre le débiteur défaillant :
- Recours en référé
- Soit pour adresser une demande au juge d’ordonner de finir les travaux sous astreinte
- Soit pour faire constater judiciairement l’abandon de chantier et obtenir l’autorisation du juge de faire réaliser les travaux par une entreprise tierce aux frais du premier débiteur
- Recours au fond
Ce recours, plus long, vous permet d’invoquer la responsabilité contractuelle de l’entreprise, sur le fondement des articles 1103 et 1104 du Code civil. Ainsi, il vous offre la possibilité de demander la réparation intégrale du préjudice subi sous forme d’allocation de dommages et intérêts. (Article 1231-1 du Code civil)
ATTENTION :
Si vous avez contracté un emprunt pour la réalisation des travaux, vous ne pouvez décider seul de cesser le remboursement de celui-ci.
Seul le juge peut suspendre l’exécution de l’emprunt, à la demande du maître d’ouvrage, conformément à l’article L.313-29 du Code la consommation. Cependant, la suspension de vos obligations n’est possible que si le prêteur est intervenu à l’instance ou s’il est mis en cause par au moins l’une des parties.
Conformément à l’article L.314-20 du Code de la consommation, le juge a la possibilité, sur demande de votre part, de suspendre les obligations de remboursement sur le fondement de l’article 1345-5 du Code civil.